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Pétrole bleu
3 juillet 2008

Nouvelles de Biboantek n°1

L'air des cales est rempli du bruit métallique généré par les impénétrables et incompréhensible mécaniques de Mauther. Les sucions du carburant inconnu et inidentifiable courent les tuyaux blindés, les hélices émettent des sont hachés et d'innombrables pistons produisent en cœur un concert digne du son du marteau et de l'enclume maniés par un forgeron fou. Le rythme asynchrone des évacuations de vapeur se conjugue aux sifflements des courroies d'engrenages chauffées à blanc. Enfin, vibrant dans chacune des composantes du Pétrole Bleu, un son se répète, bas et sourd, semblable à celui d'un cœur géant. Ces bruits couvrent ici la voix d'Enwhi, qui récite un dictionnaire de langue (une langue dissemblable de toutes celles connues) avec un accent sans aucun doute irréprochable. Biboantek est posé(e) sur un bras de levier saillant du corps hyperétendu de Mauther pour l'instant au repos. Dans les bas niveaux mal éclairés des cales où personne ne met jamais les pieds, il/elle donne l'impression d'un grand et sombre oiseau de proie. Ses sinistres yeux blancs passent impitoyablement le secteur au peigne fin. Chaque centimètre carré en vue est méticuleusement examiné, ce à une vitesse foudroyante. Hélas, les excroissances du corps de Mauther fournissent des caches efficaces aux sales bestioles infiltrées dans le Pétrole Bleu. Biboantek, immobile dans l'ombre dans une position impossible, pourrait passer pou une statue ou une pièce de Mauther. Les deux orifices au milieu de son "visage" scannent tout l'espace olfactif de la pièce. Aucune des molécules à portée du "nez" du chasseur n'échappe à sa vigilance et doit livrer ses informations qui lui sont arrachées impitoyablement. Si un passager clandestin est ici, son odeur le trahira. Mais là encore, Mauther fait obstacle, à son corps défendant, en masquant la signature des indésirables de ses odeurs d'huile de machines et de celles de son carburant mystérieux, ainsi que de la singulière senteur de l'acier chauffé à blanc. Tiens! Par là-bas, après ce gros piston, comme une odeur inconnue. À confirmer. L'acier rayé du sinistre Couteau de Biboantek luit faiblement des reflets des rares sources de lumineuses, et son tranchant net et froid accroche la lumière qui remonte dans le Couteau, se perdant dans les sèches marques d'affûtage autour du tranchant aigu, et finissent dans sa pointe cruelle lorsqu'il/elle replonge son Couteau dans l'ombre avec une lenteur calculée afin de ne pas être repéré(e). Parmi les bruits mécaniques, Biboantek croit détecter une anomalie. Une dissonance dans le concert absurde des martèlements inhumains de la complexe structure interne de Mauther. Une variation subtile mais gênante dans la tonalité implacable de la mécanique vivante qui tient le Pétrole Bleu à flot. Un instrument mal accordé dans l'ensemble infernal dans l'ensemble infernal de l'incohérente musique qui fait avancer l'entité malgré toute notion de logique. Mais quoi? Biboantek abolit ses quatre autres sens pour se concentrer sur l'ouïe. Il/Elle ne voit plus, ne perçoit plus aucune odeur, ne sent plus le métal vivant sous lui/elle et n'a plus conscience des champs magnétiques, et sa langue ne perçoit plus la saveur de la chair crue d'un des intrus attrapés précédemment. En revanche, ses oreilles ne laissent aucune chance au moindre son, et au delà de bruit assourdissant de Mauther, Biboantek peut entendre le son généré par la réaction chimique entre la structure du Pétrole Bleu et l'océan ÉtrAnGe, les pas des navigateurs sur le pont, jusqu'à la la respiration discrète de Saud•?î, les craquements minuscules de sa chaise longue sous les coups de ses battements de cœur, le mouvement des yeux de Iopheill contre ses paupières, et bien entendu les conversations au Bar et la voix d'Enwhi qui chante une chanson ancienne en Latin. Mais surtout, là-bas, derrière le gros piston, le cliquètement des griffes de la créature clandestine sur le sol métallique des cales. Mort aux intrus! Ces aberrations n'endommageront pas Mauther! À mort!! Les muscles de Biboantek, en tension depuis de longues minutes se détendent d'un coup et il/elle bondit alors que ses sens se rétablissent. Il/Elle passe par dessus le gros piston, prends appui au plafond d'un coup de talon et se propulse violemment vers le sol, tout en poussant son cri de guerre qui, d'une hauteur insoutenable, paralyse le système nerveux de l'intrus en lui interdisant tout mouvement. Le rat géant à trois yeux, de la taille d'un berger allemand, ne peut donc éviter le coup de Couteau de son prédateur qui s'enfonce dans son dos jusqu'au coude. Biboantek se remet dans le bon sens à l'aide d'une violente contraction musculaire avant de toucher terre, et ce mouvement propulse le rat mutant dans les airs tandis qu'il glisse le long de la lame et du bras qui l'ont traversé. Ne frettant aucune attention aux morceaux d'entrailles et aux lambeaux de chair restés accrochés à son bras, Biboantek retourne le Couteau dans sa main et poignarde le rat en plein vol, en l'épinglant au sol d'un violent geste vertical. Puis il/elle le fend en deux pour libérer son Couteau et commence à écarter de ses doigts les deux parois de l'ouverture. Ensuite, ne prêtant aucun regard à l'écume qui s'écoule de sa bouche et à ses ouvertures nasales qui saignent d'excitation, il/elle taillade le corps de sa proie de son Couteau à une vitesse hallucinante et de sa main libre projette les morceaux ainsi arrachés dans toutes les directions. La vitesse de la chose fait ressembler le tout à un geyser de chair en éruption, et à mesure que le mouvement de la Lame du Couteau s'accélère et que les morceaux se font de plus en plus petits, ce n'est plus des fragments que Biboantek lance mais des poignées, tout en poussant un long hurlement. -OUUUUUUUUUUUUURRRRRRRRRRGH!!!!! Lorsqu'il ne reste plus là où se trouvait le rat qu'une tâche de sang oblongue et luisante, Biboantek s'immobilise, comme perturbé(e) par cette disparition. Un œil jaunâtre tombe du plafond où il était resté collé. Il/Elle le gobe. Puis il/elle trace quelques glyphes sur son crâne nu avec le sans, et rouvre une de ses cicatrices avec son couteau. Soudain, un bruit attire son attention. -Skweeek! Skweeek! Prenant appui sur le piston, Biboantek parcourt en une infime fraction de seconde les sept mètres qui le/la sépare de l'origine du son. La pointe aiguë et souillée du Couteau stoppe à moins d'un millimètre du côté de la tête de la chose qui aurait été fendue comme une noix si il/elle n'avait pas arrêté son geste. Un des deux yeux de la créature qui n'a eu aucune réaction le/la regarde tandis que l'autre scrute un des angles de la pièce. Biboantek se détend et lèche le sang de son Couteau pour le nettoyer. Il y a bien longtemps qu'il/elle a cessé de chercher à comprendre les raisons des pérégrinations de Seik-Bee, et il/elle se fiche pas mal de ce que cette créature méprisable fabrique ici... Seule la chasse importe!
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